jeudi 25 juin 2009

Tout savoir sur le PADS sans oser le demander

Retour sur le PADS.
Vos avez été nombreux/ses à lire ce billet et même si peu d'entre vous ont commenté, j'ai reçu beaucoup de signes de support, ça m'a encouragé à vous en dire plus sur le sujet. Mais avant toute chose, voici l'état de la situation ou le petit guide de survie que j'ai développé depuis cette sombre semaine. En quelques ligne, ce que m'a appris cette expérience :

  1. On ne nous apprend pas à demander de l'aide et quand on déraille, on ne sait même plus soi-même par quel bout se ramasser. Moralité, mieux vaut prévenir. Mes intentions de préparer ceci ou cela avant notre départ initialement prévu en juillet étaient bonnes, mais voilà, l'adoption prématurée (quelle ironie!) ça existe aussi. J'ai eu cette pensée pour mes parents qui m'attendaient pour début janvier, moi qui suis arrivée le 17 novembre. Ils venaient tout juste d'aménager dans leur nouveau nid, les pauvres. Serait-ce de famille ? ;)
  2. Le réseau compte beaucoup. Ma famille vit en Belgique, ma belle-famille à Québec, disons que je me compte chanceuse de les avoir via Skype ou autres, mais sans la présence de Facebook, Twitter et autres réseaux sur lesquels je compte des amis et des connaissances, je me sentirais encore plus isolée. J'ai twitté ce fameux billet un samedi soir, comme on envoie une bouteille à la mer et les réactions ont été immédiates. Régulièrement, je laisse l'ordi ouvert; c'est comme une fenêtre ouverte sur le monde. Je me sens moins cantonnée dans mon rôle de nouvelle maman et je me sens connectée à quelque chose de plus grand et de structurant.
  3. Oubliez vos anciennes stratégies, tout est à inventer. Moi, lorsque j'avais une mauvaise journée, souvent ce qui me soulageait, c'était d'aller me coucher en me disant "Demain ça ira mieux, c'est un autre jour". Disons le tout de suite; quand le manque de sommeil est au coeur du problème, cette stratégie est obsolète. Heureusement, je suis créative, alors trouver d'autres pistes ou idées n'a pas été un problème. Se coucher avec son enfant, c'est idéal, mais encore faut-il que celui-ci dorme 30 minutes ou plus. Après des séances d'endormissements de 2 h, je n'avais plus de forces pour rien. Et quand je sombrais enfin, je rêvais que je dormais, ça vous donne un indice sur l'état de mon cerveau.
  4. Deux c'est mieux. On est juste 2 à pouvoir s'occuper de Margot dans l'immédiat, d'accord. Préparer les petit déjeuners pour 2, faire le rangement pour 2, c'est se faciliter la vie à 3. C'est mathématique. Demander à Jules de faire 1 journée de télétravail me permet daller chez l'acupuncteur, ou simplement de sortir de la maison lorsque Margot fait sa sieste. Je suis tranquille, Jules travaille et Margot dort. L'entente est respectée. Nous sommes les 2 seules personnes à nous occuper de Margot dans le but de lui donner une chance d'intégrer le simple fait que dorénavant (contrairement aux 4 mois précédents où, suite à son abandon, elle est passée de bras en bras) elle peut se fier sur nous, se sécuriser, "s'abandonner" à son tour avec nous. Le reste suivra.
  5. Mangez ! Ça parait bizarre à dire, mais quand la priorité est de nourrir et de s'occuper d'un BB, on en oublie presque ses besoins élémentaires. Être privée de douche ou de sommeil c'est une chose, mais quand on oublie de se nourrir, on vient d'actionner un détonateur. J'avais perdu 5 kg au Vietnam (changement de climat, de nourriture, etc.), et arrivée ici, la dégringolade continuait. Oui, je sais, je sais, vous allez me dire (et c'est très féminin) que perdre quelques kilos, c'est toujours ça de gagné. Dans mon cas, me retrouver dans du linge qui flotte (plus de fesses, plus de seins, etc.) je me sentais pas bien dans cette peau maigrichonne. L'estime de soi en prend un coup et la seule consolation qu'on a, c'est de voir son enfant suivre sa courbe de croissance pendant que vous perdez les vôtres. Les plats préparés mamaluv.ca offerts par mes collègues, les cupcakes livrés à domicile, les commandes de sushis qu'on dévore pour le lunch... à 16 h ou les visites d'amies, lunch inclus, c'est le remède que j'ai trouvé. Ainsi, on grandit toutes les deux.
  6. Ouvrir le bocal. En parler et en rire. Élizabeth est venue avec moi chez l'acupuncteur, elle a promené sa soeur dans une poussette trop grande, on en a ri. Ma belle-mère s'est informée au CLSC au sujet des fameuses visites d'infirmière, elle m'a convaincu que les services étaient meilleurs... à Québec. Ma mère m'écrit des longues lettres au lieu d'utiliser Skype et ignore mes recommandations de laisser faire le téléphone pour l'instant (je n'ai que 2 bras et devinez quoi, ben oui, Margot y a élu domicile). Mon frère et mon père surveillent de près les premières rides de Margot sur Skype; elle a tendance a froncer les sourcils. J'ai l'air dingue de parler toute seule dans l'auto pour assurer Margot de ma présence, mais bon, parler pour moi, c'est presque thérapeutique (nous voilà 2 sur le même régime!) Quand je rencontre quelqu'un qui me donne moultes conseils non sollicités, je pars le moulin et je l'inonde de données savamment récoltées aux ateliers pré-adoption du CLSC Lac-St-Louis et je manque pas de citer les conférences de Johanne Lemieux, les livres du Dr Chicoine et autres.
    L'effet ne se fait pas attendre....

    À ce propos, je retranscris un extrait du texte de Johanne Lemieux publié dans "La feuille", le bulletin des membres d’Enfants d’Orient - Volume 2009 , numéro 2 (juin 2009). J'en profite pour saluer Christiane Lynch qui en assure la rédaction et la coordination et remercier Marie pour sa sensibilité à me l'avoir transmis au bon moment.
    ;)
En parler, c'est démystifier. Le simple fait de partager mes émotions avec d'autres individus et ne pas me sentir jugée (maman ou pas, adoptante ou pas, émotive ou pas) permet de relativiser. On est juste humain finalement. Pis pour conjurer le sort, je me suis amusée à faire une petite vigie sur le web avec les simples termes "Post Adoption Depression Syndrom", et là, je vous assure, j'ai poussé un grand soupir quand je vous ai vus surgir de partout sur la blogosphère.

Alors voilà. Tout savoir sur le PADS sans oser le demander.
=++++++=
Bébé pleure souvent…et maman aussi
Un entretien avec Johanne Lemieux

La nouvelle maman prend son bébé dans ses bras. Elle le trouve tellement beau, il sent tellement bon. Et pourtant, elle se surprend fréquemment à compter les heures avant le retour du papa. S’occuper d’un bébé est plus difficile qu’elle ne s’y attendait, mais s’avère surtout ennuyeux, alors qu’elle prévoyait l’inverse. Puis elle est fatiguée comme elle ne l’aurait jamais cru possible. Est-ce simplement le baby blues hormonal suite à son accouchement ? Impossible. Elle n’a pas accouché, elle a adopté.

Alors que la maman biologique qui ressent une déprime suite à son accouchement peut l’expliquer en partie par ses hormones galopantes, comment la nouvelle maman adoptive qui ne nage pas en pleine euphorie peut-elle comprendre et justifier son état ? Nous avons discuté du sujet avec Mme Johanne Lemieux, travailleuse sociale spécialisée en adoption internationale et co-auteure du livre « L’enfant adopté dans le monde en 15 chapitres et demi ».

Comment est-ce possible ?
Mme Lemieux affirme qu’il est effectivement très difficile, pour une nouvelle maman adoptive qui a dû prouver à plusieurs instances qu’elle avait des habiletés parentales exceptionnelles afin de pouvoir adopter, d’avouer qu’elle jongle dans son nouveau rôle de mère.

Et pourtant, Mme Lemieux mentionne qu’il est tout à fait normal qu’une maman adoptive puisse ne pas se sentir adéquate ou encore ressentir un désenchantement suite à l’arrivée de l’enfant. Plusieurs causes, selon elle, expliquent pourquoi la réalité s’avère parfois moins rose que prévu :

  1. Alors que la maman qui vient d’accoucher a droit à une visite d’une infirmière et d’un groupe de soutien pour l’allaitement, la maman adoptive ne dispose pas de l’équivalent pour la soutenir durant les premiers jours.
  2. De manière générale, les adoptants deviennent parents un peu plus tard que les parents biologiques. Ainsi, gérer les troubles de sommeil (fréquents chez les enfants adoptés) quand on est dans la quarantaine est physiquement plus difficile que lorsqu’on est âgée dans la vingtaine.
  3. Le fait d’avoir des enfants plus tard s’avère aussi un plus gros changement de vie pour la femme qui est établie professionnellement. En effet, la femme qui travaille depuis vingt ans, par exemple, se sent gratifiée dans son travail et s’y sent compétente. Hors, la nouvelle maman peut très bien réaliser qu’elle adore son enfant mais qu’elle déteste sa nouvelle « job », ou du moins qu’elle ne s’y sent pas autant valorisée.
  4. En adoption, le parent peut difficilement se sentir compétent tant que l’attachement n’est pas bien établi. Mme Lemieux considère ce lien d’attachement, tel un câble qui se tisse tranquillement entre l’enfant et le parent, comme l’outil parental le plus important. Tant que ce câble n’est pas « solide», l’information nécessaire à une compréhension mutuelle et à un sentiment de sécurité chez l’enfant circule difficilement. Les informations cognitives, affectives et physiques transmises par l’enfant sembles floues. Comme si l'enfant et la maman n'étaient pas tout à fait sur le même poste de radio : ils s’entendent mais avec tellement d'interférence qu'il est impossible d'être certain de quoi que ce soit. D’où un sentiment d’incompétence et de maladresse susceptibles de déprimer la maman remplie des meilleures intentions.
  5. Il existe en adoption ce que Mme Lemieux appelle le phénomène du piédestal. Parfois par son entourage, parfois par elle-même, la nouvelle maman se retrouve en effet sur un piédestal. Tous étant persuadés que la femme devenue maman suite à tant d’adversité ne peut qu’être exceptionnelle, et que sa maternité ira de soi. La marche est alors très haute quand celle-ci désespère et qu’elle cherche une main tendue pour en descendre.
  6. Finalement, il existe beaucoup de mythes de l’enfant précieux, véritable cadeau de la vie, qu’on imagine parfait et reconnaissant, alors qu’on peut se retrouver avec un bébé dont les besoins physiologiques et psychologiques nous dépassent.
Mme Lemieux note également qu’au cœur de la problématique, peut se trouver l’une des différences fondamentales entre la venue d’un enfant biologique et celle d’un enfant adopté. La maman biologique dispose des premiers mois de la vie de son bébé pour s’attarder uniquement, en termes d’interactions, à lui fournir ce qu’elle nomme la « nourriture affective ». En effet, lors des six premiers mois, alors que l’enfant n’est pas du tout mobile, la maman peut porter paisiblement le bébé dans ses bras, à journée longue, et répondre à tous ses besoins sans se questionner sur l’éducation et l’encadrement nécessaires. Pour la maman adoptive, il en va tout autrement. Le bébé qui arrive alors qu’il a 9, 12 , 18 mois voir plus, a autant besoin de nourriture affective que le bébé naissant. Et la maman adoptive a tout autant besoin et envie de s’y consacrer entièrement. Mais voilà que ce petit enfant grimpe partout, marche déjà, qu’il met tout dans sa bouche et qu’il est inévitablement attiré par ce qui est dangereux. La maman adoptive se retrouve alors dans une situation des plus difficiles à gérer. Car elle doit à la fois couvrir le bébé d’affection pour ainsi créer le lien d’attachement primordial, tout en lui interdisant d’innombrables accès aux escaliers, prises de courant et autres gadgets électroniques. Son instinct maternel lui dit de le considérer comme un bébé naissant, mais la réalité exige d’encadrer cet enfant inconnu afin qu’il ne se blesse pas et qu’il ne détruise pas son salon. Ce contexte quasi schizophrénique est difficile à imaginer au préalable, mais encore plus difficile à vivre et à avouer.

Les facteurs de risque
Toutes les mères adoptives ne vivront pas nécessairement de difficultés d’adaptation. Johanne Lemieux nomme toutefois quelques facteurs de risques :
  1. L’état de santé général de la maman.
  2. Les modèles d’attachement interne de la maman
    Quelques exemples: la femme qui de manière générale attend que les gens viennent à elle risque d’être déçue si l’enfant ne vient pas à elle automatiquement. Ou encore lafemme qui cherche toujours à contrôler son entourage peut constater que le rôle de maman exige un lâcher prise qui lui est plutôt difficile à accepter. Finalement, la femme quirecherche toujours la fusion dans ses relations peut être déçue avec un nouveau bébé en état de choc qui refuse tout contact physique.
  3. Le réseau social. Évidemment, plus une femme est bien entourée, plus elle aura d’opportunités de partager ses difficultés et ses frustrations et ainsi moins souffrir d’isolement, sans compter l’aide disponible.
  4. L’équipe parentale. Devenir compétent à deux, du jour au lendemain, peut s’avérer plus ou moins facile selon les habiletés du couple à gérer les nouveaux défis ensemble.

Misons sur les solutions !
Mme Lemieux souligne qu’il existe des moyens de prévenir le coup et des ressources disponibles pour pallier la situation lorsque la nouvelle maman se sent dépassée.
L’idéal est sans contredit de se préparer adéquatement à la venue d’un enfant adopté. Il importe de se renseigner et de suivre des formations en pré-adoption. Il faut également éviter de se mettre sur un piédestal et inviter les membres de son entourage qui auraient tendance à le faire, à ne pas embellir la venue de l’enfant de manière déraisonnable.
Et pour la nouvelle maman qui ne se sent pas adéquate, il faut demander et parler. Il faut trouver un ou une confidente avec qui partager les frustrations et les peurs, sans craindre d’être jugée. Puis il ne faut surtout pas hésiter à consulter les ressources à la disposition des parents adoptants.

2 commentaires:

Panthère rousse a dit...

Je n'avais pas pensé au fait que contrairement à d'autres parents, vous ne pouvez pas vraiment la faire garder, du moins pour le moment. Donc pas de répit. Alors je vous souhaite plein d'énergie et que Margot apprenne bientôt à dormir aux heures appropriées. :-) Et j'espère faire sa connaissance un jour après toutes ces photos.

Jules et Jim a dit...

@panthèrerousse, oui, c'est tout ça qui rend les choses plus difficiles d'autant qu'on a beau s'expliquer, des fois les gens ne comprennent pas C'est pas de la mauvaise foi, c'est comme ça.

Margot se place bien. Si tu veux,tu peux passer nous voir on est dans le Sud-Ouest (métro Joliceur) si le coeur t'en dit.