L'adoption, des choses qu'on ne dit pas...

Voilà tout juste un mois que Margot et avec nous et elle rayonne de santé. Tout se passe pour le mieux si ce n'est les quelques ajustements qu'il a fallu faire suite à notre escapade à Québec.
La petite a régressé et elle ne s'endort plus que misérablement près 1 h de tergiversations, vous imaginez d'ici la scène. La nuit, c'est parfois 2 h... Fini les escapades pour tout de suite, on va recevoir la visite à la maison, le temps que les choses se replacent.

Louis est parti ce w-end pour Boston, seul. Margot et moi ne l'avons pas accompagné, comme prévu. Le temps s'étire et mes pensées se bousculent. J'ai aussi une immense admiration pour celles et ceux qui élèvent seuls leur enfant. Et pour tout vous dire, voici ce qui me traverse l'esprit :

1. Tous les enfants n'aiment pas les sièges d'auto. Margot n'a pas adopté le siège d'auto (à moins que ce ne soit l'inverse) et n'a pas fermé l'oeil de tout le trajet Mtl-Qc et Qc-Mtl en rendant les derniers kilomètres très pénibles à tout le monde. Le sentiment d'impuissance qui vous envahit dans l'habitacle d'une voiture est indescriptible. La savoir attachée, coupée de tout contact visuel et en détresse si proche de vous physiquement, c'est dur sur le coeur d'une jeune maman; d'un papa rodé itou. Je pensais à ces pubs mensongères de BB bercés dans des autos neuves et j'avais le goût de brailler moi aussi.
2. Ce n'est pas parce qu'un enfant sourit qu'il est content. Dans le cas d'un enfant comme Margot, c'est une question de survie. Margot est une charmeuse et la peur intrinsèque d'être abandonnée la fait s'accrocher à chaque regard qu'elle peut décrocher. On fini par comprendre sa stratégie (qui en soit est commune à tous les enfants) mais très vite, on développe de l'empathie face à tous ses efforts.
   
3. Ce n'est pas le manque de sommeil qui est difficile c'est son interuption constante et son manque de régularité. Sans compter que même si on allaite pas et si on a pas les douleurs conséquentes à l'accouchement, on n'en n'a pas moins 12 h de décalage au retour du Vietnam. Pour moi, le fait de tout faire en alternance avec son conjoint alors qu'on faisait tout en simultané est une composante assez tragique Par contre, pouvoir compter sur l'autre et alterner les rôles, c'est tout simplement gage de santé mentale.
   
4. On est obligé de tout écouter mais pas de tout entendre. Les conseils sollicités ou pas, les recommandations et les 1 000 choses du BA-BA du nouveau BB, c'est comme rentrer dans une secte. On vous lave le cerveau en vous berçant de l'illusion que pour être une bonne mère c'est comme cela qu'il faut faire. L'absence de cordon ombilical n'ôte pas son jugement ni son instinct à une mère en devenir.
   
5. Il y a une place pour la culpabilité et à sa gestion dans cette aventure? Le fait d'être confrontée quotidiennement à l'abandon et ses conséquences dans l'adaptation de votre enfant vous fait sans cesse penser à cette "maman bedaine" qui a eu ce geste terrible mais aussi inespéré de vous confier son enfant (par l'entremise de l'orphelinat). Si Margot n'a pas eu conscience de son départ de Hoa Binh, croyez-moi, Louis et moi, on avait une grosse boule dans la gorge en pensant qu'on "arrachait " Margot à ce qui était sa vie jusque -là. C'est probablement cette culpabilité qui m'empêche de lui retirer sa chainette remise par ses parents, même si, de l'avis de l'infirmière, c'est dangereux. Le seul fait de savoir qu'ils sont venus lui dire au revoir et lui ont laissé cette chainette pour la protéger me remplit de joie et de profonde tristesse à la fois.
6. Que la patience a ses limites et que le processus d'adoption les a largement dépassées. Ajoutez à ça un karma de l'impuissance usé comme un fond de de culotte d'écolier en fin d'année scolaire et ça vous donne le portrait. Qu'on ne vienne pas banaliser mes émotions, je ne suis plus capable !
7. C'est scandaleux d'avoir à se justifier pour bénéficier des mêmes droits que tous les autres parents. Pour ne citer que ces 2 exemples : la citoyenneté canadienne ne devrait pas faire exception pour les enfants adoptés (voyez le projet de loi C397 "Full Citizenship for ALL Adopted Children: Support for Bill C-397 - An Act to Amend the Citizenship" et signez la pétition) + je ne vois pas en quoi le fait de se faire sentir inadéquate prive un enfant de la visite légale de l'infirmière du CLSC proche de chez nous.
   

Est-ce cela qui fait que je me sens si démunie ou la visite matinale des témoins de Jéhovah qui m'ont laissé une invitation personnelle (je cite) " à venir écouter la réponse à cette question : L'effondrement du monde : Comment y échapper ?"

C'est un peu tout ça effectivement. C'est une étape obligée, je suis sûre que certaines se reconnaîtront. Mais ça aussi, on ne s' attend pas quand on adopte : le post-partum (je suis en PADS plus exactement).

Une petite cousine d'une grande sagesse m'écrivait hier cette citation qui m'a rendu le sourire : «Ceux qui disent dormir comme un bébé, en général, n'en ont pas » (Leo Burke)

Pour le reste, ne vous inquiétez pas trop, je mange du chocolat, des bananes, demain, je passe aux oméga3/6/9/23 (!), je me fixe des petits objectifs quotidiens, je nage 3x/semaine, demain, je passe chez l'acupuncteur et j'ai commandé tous les repas offerts par la gang de HEC Montréal chez www.mamaluv.ca.

Bref, je suis comme son lait ; je me maternise.