dimanche 18 février 2007

Mort d'un papa... et naissance d'un papa


Le papa de Thierry s'est éteint sans douleurs, chez lui, après un premier avertissement il y a près de 10 ans. Il souffrait d'emphysème et continuait de taquiner la cigarette de temps en temps. C’est son cœur qui a lâché et celui de Thierry qui a saigné. Le mien a enflé.

Thierry est mon ami d’enfance. Après mes parents et mon propre frère, c’est la personne que je connais depuis le plus longtemps. Et sur une vie, on les compte sur une main, les amis d’enfance. Thierry était enfant unique, et le voilà orphelin. Après sa mère il y a 4 ans, c’est son papa qui tire sa révérence. Comme un neutron sans orbite, comme une branche sans arbre, un bouchon dans l’océan, voilà pourquoi mon cœur enfle en pensant à Thierry aujourd’hui.

Je suis à 8 000 km et ces jours-là, je maudis la distance et si je croisais un génie, c’est l’ubiquité que je lui demanderais d’exaucer comme vœu. Pouvoir être là, tout proche, à noyer nos larmes dans un bol de chocolat chaud ou de café sans mot dire, mais être là. Que faire? Envoyer des fleurs, comme si ça séchait les larmes, envoyer des cartes de condoléances? Aucun mot ne peut remplacer un papa.

Thierry est enfant unique, mais aussi mon unique ami d’enfance. On prenait notre bain ensemble (la question qui subsiste et hante Jules, c’est « Jusqu’à quel âge? »). Son papa travaillait fort le jour et sa maman aussi, mais le soir; souvent il atterrissait à la maison et il se léchait les babines et les doigts devant un simple plat de poulet compote de pommes. Moi, je me roulais avec lui dans des tapis aussi épais que de la fourrure et j’écoutais ses voyages à Disney World avec admiration sur des musiques des années 70. On partageait tout, des fêtes d’anniversaires aux virus de garderie sans oublier les bons et les mauvais coups.

La vie était belle, simple et jamais on ne pensait que ça changerait. Je me rappelle du jour où ses parents ont déménagé à 5 km de chez nous. Un drame sans équivalent pour moi. Une meurtrissure sans nom, un coup vache de la vie. Une séparation ingrate qui fut surmontée par quelques allers et retours entre nos deux maisons. Je ne sais même pas comment il a vécu mon départ au Canada. Je me souviens aussi de vacances où nos tempéraments d’adolescents aventuriers avaient failli nous envoyer au fond du Lac Léman avec le navire familial de la famille Le Fort. Et que dire de notre 30e anniversaire fêté en stéréo au champagne pour l’occasion au Pin Pignon à Corroy-le-Grand.

Je me souviens surtout de ce soir d’octobre l’année dernière où Thierry est apparu dans mon cadre de porte à 22 h, à Montréal. Ça m’a pris un bon 20 secondes pour réaliser ce qui se passait. On ne s’était pas parlé depuis 5 ans et plus vu depuis 7. Il avait le cœur gros d’avoir perdu sa maman et quelques illusions au passage des ans. Après une nuit entière de bavardage à bâtons rompus, nous étions à jour et c’est à une cadence d’enfer que nous avons vécu les quelques journées passées sur le Nouveau Continent. Quand il est reparti, je pensais le croiser partout en ville. On s’est bien promis de ne pas se perdre de vue; après tout, ce n’était pas la première tentative de la vie pour nous séparer!

Aujourd’hui, Thierry est orphelin et son cœur saigne de n’avoir pu apprendre à son propre père que lui aussi il allait être papa. Et, comme au temps du partage des virus d’enfance, mon coeur contaminé enfle. Je suis sûre que tu feras un excellent papa Thierry et je pense à toi.


1 commentaire:

TeeTwo a dit...

Ma petite Mu,

Là je suis au boulot et je lis ces jolis mots, témoins d'une vie dont tu es la plus ancienne et fidèle actrice. Comme le titre de ton blog, ce mardi 13 février fut pour le meilleur et pour le pire. Rassure toi seulement, que malgré la distance qui nous sépare, ce message est le plus proche de mon coeur. Je me retiens de ne pas humidifier mon clavier, mais crois moi une amitié comme le tienne il n'y en a pas deux. Merci encore d'être là, simplement. Je t'embrasse ainsi que Louis et nous auront bientôt l'occasion de fêter deux belles choses, votre union et ma paternité.